Abbé Pierre Photographe

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« La violence, elle n'est pas que dans les coups, elle est
dans les situations établies, existantes, qu'on refuse de
remettre en question, qu'on refuse de changer. Nous
sommes tous à un moment de notre vie dans le camp des
privilégiés par rapport à d'autres. 

"L'Abbé Pierre, Conférences de Poitiers, 14 avril 1975 Le regard bon, la coupe franciscaine, la barbe missionnaire, tout cela complété par la canadienne du prêtre-ouvrier et la canne du pèlerin. Ainsi sont réunis les chiffres de la légende
et ceux de la modernité.» En 1970 l'abbé Pierre fait déjà partie des Mythologies de Roland Barthes. Cette description correspond bien à l'image commune que nous nous faisons de l'abbé Pierre, l'homme bon, engagé qui se bat aux côtés des plus démunis et qui appelle à faire de même.

Après la Seconde Guerre mondiale, la France est détruite par les bombes. Les gens sont à la rue et la confiance brisée par ces années de guerre peine à revenir. En 1949, l'abbé Pierre crée Emmaüs avec Georges (le premier compagnon), un mouvement
laïque qui lutte contre l'exclusion. Au cœur de l'hiver 1954, l'abbé Pierre passe un message sur radio Luxembourg « Mes amis, au secours ! Une femme vient de mourir gelée, cette nuit à trois heures, sur le trottoir du boulevard Sébastopol, serrant sur elle le
papier par lequel, avant-hier, on l’avait expulsée... ». Cet appel de solidarité touche la société française. On parlera alors d'« insurrection de la bonté ».Cet homme fragile physiquement s'engage à corps perdu dans cette lutte contre l'exclusion ; certains diront que l'esprit est en lui. Sa vision du monde, il souhaite la faire passer par tous les moyens qui sont à sa porté et à celle de son époque pour toucher, dans les cœurs et les esprits, le plus de monde possible.

Au sein de cette période émerge le mouvement des photographes humanistes. Il faut redonner du bonheur de vivre mais aussi témoigner des difficultés de la reconstruction. Ils replacent l'homme au centre du sujet et partagent une vision commune de la nature humaine imprégnée d'unanimisme et d'universalisme. Parmi eux Robert Doisneau, Jean Dieuzaide, Brassaï, Edouard Boubat, Willy Ronis, Izis, Sabine Weiss, Capa, et Yvette Troispoux, qui revendiquent une photographie fonctionnelle faite avec le cœur.

C'est dans ce contexte politique et photographique que l'abbé Pierre se met à photographier. La photographie devient pour lui un moyen d'exprimer ses sentiments autrement. Il reprendra des thèmes de la photographie humaniste: les enfants, l'ouvrier, l'homme simple et la famille. La contemplation étant inséparable de l'action, l'abbé Pierre va voir des familles qui ont acheté un lopin de terre dans l'intention de construire, des chiffonniers triant de la ferraille, un groupe de compagnons cassant la croûte sur une « gadoue », des familles dans des taudis, des enfants, des vieillards ; qu'il photographie de façon chaleureusement subjective aux compositions simples. Guy Gilbert lui fait remarquer « les jeunes pullulent dans tes photos. Normal, tu es leur étoile de berger. La jeunesse européenne, éprise de vérité, (...) a besoin de lire dans les regards de ceux de leurs frères et sœurs (...), qu'il n'y a de vérité que dans le partage. ». Il voit une solidarité latente qu'il faut réveiller. Il part aux quatre coins du globe avec son appareil photo en bandoulière, visite les communautés Emmaüs qui se développe à travers le monde, donne des conférences et recueille des images.

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Pour cette exposition, nous avons orienté la sélection de photographie vers une pratique artistique et animé d'un regard tendu vers l'autre. Avec son regard fraternel, il montre les
invisibles, ceux qui se taisent. Indigné par la misère dans laquelle ils vivent. il souhaite l'exposer aux yeux de tous. « Ayons le courage de regarder avec un œil le mal épouvantable du monde,

mais gardons l'autre œil ouvert pour contempler le reste. ». Pour cela, il publie quelques photographies dans la revue Faim&Soif , dont il est le fondateur et rédacteur.

L'abbé Pierre voit en l'artiste un humaniste en puissance, quelqu'un qui par le regard qu'il pose sur les choses puisse sensibiliser le reste de la population. Il écrit dans la préface de son livre Visages : « L'artiste seul, et le mystique, ont la sensibilité assez tendre, assez vibrante,pour percevoir et exprimer ; parce qu'ils sont offerts sans défense, enfants jamais ralliés tout à
fait au bloc clos des grandes personnes, l'artiste est voué à communier plus qu'aucun autre à cette source de connaissance : la peine des autres. ». 

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                                                                        Lilie Pinot

 

Toutes les photographies proviennent exclusivement de la photothèque abbé Pierre, aujourd’hui propriétées d’Emmaüs International, le légataire universel de l’abbé Pierre.

 

Commissariat:

Lilie Pinot

Jessica Hervo